


" sans cesse à mes côtés s'agite le démon ;
Il nage autour de moi comme un air impalpable ;
je l'avale et le sens qui brule mon poumon
et l'emplit d'un désir éternel et coupable. "
La destruction – Charles Beaudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857
LA FEMME
Être pluriel, ambivalent, évolutif.
Créature infernale et perverse
Instrument du diable créé pour conduire l’humanité à sa propre déchéance.
Démon tentateur qui pousse l’homme au désir charnel.
Réduite, dans les « Journaux intimes » de Baudelaire, à un être strictement charnel, vide et sans âme, la femme … ou l’incarnation du mal.
Dans les années 1930, la psychanalyste allemande Karen Horney remarquait que tous les hommes possédaient un « droit socialement sanctionné […] de sexualiser toutes les femmes, indépendamment de leur âge ou de leur statut ».
En 1997, les chercheuses Barbara Fredrickson et Tomi-Ann Roberts développèrent la théorie de l’objectivation qui postule que le corps de la femme est objectivité, perçu comme un objet qui peut-être regardé et évalué par autrui. Dans notre société occidentale, la femme construit son identité féminine et sexuelle à partir d’un point de vue externe (en particulier masculin) sur son propre corps.
Ce phénomène d’objectivation sexuelle est particulièrement présent dans les médias qui véhiculent stéréotypes et clichés sexistes.
Alors que le corps de la femme est multiple et complexe, partout les médias nous imposent une image du corps très prescriptive et normative.
Le corps démembré,
La femme est objet.
La femme n’a pas de tête.
La femme n’a pas de visage.
Dans son livre « Feminity and Domination », publié en 1990, la philosophe Sandra Bartky explique que l’objectivation nécessite un « objectivant » et un « objectivé » et qu’il s’agit parfois d’une seule et même personne. On parle alors d’auto-objectivation, à savoir le fait d’adopter un regard extérieur sur son propre corps, qui conduit de nombreuses femmes à un sentiment de honte vis-à-vis de leur corps. Par le biais de pratiques disciplinaires (tyrannie de la minceur, du glabre, de la jeunesse éternelle etc.) les femmes vont dès lors chercher à correspondre à cette norme qui leur est dictée, pensant ainsi pouvoir plaire aux hommes.
La femme ne doit plus se contenter du corps qu’elle a ; il lui incombe de le prendre en main, de le modeler, de le perfectionner.
La femme est contrainte.
La femme est effort.
La femme est douleur.
La femme est renoncement.
Les femmes ont intégré depuis trop longtemps des injonctions, pourtant contradictoires, auxquelles elles se sentent obligées d’obéir :
« Être intelligentes et débrouillardes, mais douces et soumises ;
Être sportives, mais rester féminines et sans muscle ;
N’être pas frigides, sans pour autant être sexuellement exubérantes ;
Être mères et ménagères dans l’âme, mais gagner honorablement sa vie. »
La femme se couvre.
La femme se cache.
La femme s’efface.
La femme disparaît.
Car l’objectivation et l’auto-objectivation déterminent aussi, la façon dont les femmes doivent se vêtir, ou se dévêtir. Elles sont invitées à porter des tenues, dites féminines, mettant en avant leurs « atouts » et masquant leurs « défauts », tout en veillant à ne pas trop en faire, au prétendu risque d’être « vulgaire » et d’exciter la libido des hommes.
J’ai eu envie, par cette exposition, de montrer la femme dans ce qu’elle a de plus complexe, dans sa beauté et sa laideur ; montrer son corps sous d’autres angles ; changer les perspectives.
La femme…
D’ailleurs, comme l’écrivait Jacques Lacan au début des années 1970, dans un contexte marqué par l’essor des mouvements féministes : « la femme n’existe pas ». Ce qui relèverait d’un universel féminin n’existe pas. Les femmes sont toujours singulières et irréductiblement autres.
Les femmes se montrent.
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Nathalie BRUNEL-ROL
Co-fondatrice de la Galerie Lyncée et commissaire de l'exposition




SOUVENIRs DU VERNISSAGE



















